Jean Marais, né le 11 décembre 1913 à Cherbourg, et mort le 8 novembre 1998 à Cannes (Alpes-Maritimes), est un acteur français. Actif au théâtre comme au cinéma, il est aussi metteur en scène, écrivain, peintre, sculpteur et potier.
En 1937, il fait la connaissance de Jean Cocteau lors d’une auditionn pour la mise en scène de sa réécriture d’Œdipe Roi. Cette rencontre marque le véritable lancement de sa carrière : « J’ai vécu vingt-quatre ans avant de naître » car « Je suis né deux fois, le 11 décembre 1913 et ce jour de 1937 quand j’ai rencontré Jean Cocteau ». Le cinéaste et dramaturge tombe amoureux du jeune acteur. Il devient son amant et son mentor, s’occupant de son instruction littéraire et artistique, ne se moquant jamais de son inculture. De son côté, Marais ne cessera jamais d’aider Cocteau à lutter contre son intoxication à l’opium. Marais « refusa d’entrer dans le cercle infernal de la drogue, révélant ainsi un trait constant de son caractère, son indépendance totale à l’égard de tous et de tout », écrit Carole Weisweillern , auteur d’une biographie de l’acteur. Jamais il ne renoncera à tenter de vaincre la kleptomanie de sa mère et l’opiomanie de son créateur.
Jean Cocteau lui donne un premier rôle dans Œdipe Roi : il y joue un membre du Chœur, un rôle muet. Jean ne maîtrise pas encore assez bien sa voix haut perchée qu’il brisera volontairement à coups de cigarettes, au risque d’altérer sa santé. Dans cette pièce, il apparaît vêtu de bandelettes, costume créé par Coco Chanel, amie de Cocteau, et cela fait jaser. Quasiment nu, couché devant la scène, exhibant son corps d’éphèbe, regardant droit dans les yeux des spectateurs, il impose le silence à ceux qui chuchotent ou ricanent. La photographie de Marais dans cette tenue scandaleuse est publiée dans de nombreux journaux à cette époque.En 1938, Cocteau lui écrit rapidement une pièce sur mesure : Les Parents terribles, qui devait sceller son destin théâtral en lui donnant la reconnaissance de la profession. Il y interprète le rôle de Michel, un jeune homme moderne âgé de vingt-deux ans aux sentiments extrêmes, qui rit, pleure, crie, se roule par terre. La pièce connaît à plusieurs reprises la censure pour immoralité et incitation à la débauche. Les censeurs y voient un inceste entre la mère et le fils. L’interprétation de Marais est un succès. Jamais il ne s’est senti aussi riche. Il gagne deux cent cinquante francs par jour et en donne cent à sa mère pour qu’elle cesse de voler dans les magasins. Cocteau vante la « fougue » de son jeu, sa volonté de « vaincre des habitudes d’hier et d’imposer une maladresse de gros chien et des excès de fauve »En dépit de ses succès au cinéma, il connaît, depuis les années soixante, de grosses difficultés d’argent liées à son train de vie, sa générosité et ses dettes vis-à-vis du fisc à qui il doit soixante-dix millions de centimes de franc (plus de cent mille euros). « À cette époque, j’avais la propriété de Marnes-la-Coquette et j’avais déjà celle de Cabrisn 41, qui n’était pas achevée. J’ai mis les deux propriétés en vente en me disant : la première qui se vendra me dira où je devrai finir ma vie. ». Comme la maison de Marnes était en bon état, c’est elle qui s’est vendue en premier.
Début des années 1970, il se retire dans les Alpes-Maritimes, en sa maison de Cabris dans les environs de Grasse, où meurt sa mère âgée de 86 ans, le 15 août 1973.
Pour occuper son temps de loisir, il décide de faire de la poterie, avec un four flambant neuf dans l’atelier de sa nouvelle demeure. Il s’aide seulement de livres et ses débuts sont peu fructueux. On lui conseille de prendre des cours de tournage. À Vallauris, il vient passer une commande de deux cents kilos de terre glaise et fait la rencontre fortuite, le 6 juin 1973, de Nini Pasquali (1927-2018) et de son mari Jo, potier dans cette commune, près de Cannes. Sa vie va changer. La suite, c’est une très belle amitié, une confiance absolue qui dura 25 ans, jusqu’au décès de l’artiste. Le couple prend l’acteur sous son aile. Jo l’aide à mieux maîtriser son art en lui apprenant à tourner. C’est d’ailleurs l’origine d’une plaisanterie : quand on lui demandait pourquoi il ne tournait plus (au cinéma), il répondait : « Je n’ai jamais autant tourné de ma vie ! ».
Des heures durant derrière son tour, guidé par Jo, il découvre de nouveaux gestes. De la poterie, il passe au modelage et du modelage à la sculpturen 44 il n’y a qu’un pas. Il ouvre en 1975 une première galerie à Vallaurisn 45 avec l’aide de Jo et de sa femme Nini. « Je suis un artisan, pas un artiste. L’art m’attire, me fascine. J’aime m’en approcher, je respecte l’artiste, je l’aime, j’aimerais lui ressembler. Mais je place trop haut l’art pour me croire un artiste.» déclare-t-il à Gilles Durieux, auteur d’une biographie de l’acteur140. À une personne trop admirative de ses qualités de peintre, l’appelant maître, il lui répond : « Maître, non. Un mètre quatre-vingt-quatre, d’accord »141 car « Jamais je ne me suis pris pour un artiste. Tout juste pour un artisan et surtout pour un vieil enfant qui s’amuse. »142
En 1976, il ouvre également une deuxième galerie à Paris, où il vend ses poteries et ses peintures, au 91 rue Saint-Honoré, à l’enseigne Jean Marais, potier. La boutique est tenue par son amie, l’actrice Mila Parély, la sœur de la Belle dans La Belle et la Bête143,n 46. Puis, une troisième galerie ouvre en 1981 à Megève sur la place du village et une quatrième à Biarritz. La vente de ses œuvres est importante, renforcée par le succès de son exposition à la Galerie La Cimaise de Montréal au Canada. Ces galeries l’ont aidé à résoudre ses problèmes financiers, sa dette pour le fisc s’étant élevée jusqu’à 120 millions de centimes de franc.
Pour le sortir de ce bourbier et sauver le naufragé définitivement, Nini veille sur ses finances en surveillant sa philanthropie trop naïve et son côté flambeur. Elle arrive à le convaincre de vendre sa maison de Cabrisn, qui est un gouffre financier. Après avoir vécu dans un mobil-homen 48 blotti dans un petit bois près d’Antibes, il s’installe en 1981 dans l’arrière-pays provençal, dans une petite maison dans le haut Vallauris, 1196 chemin du Cannet, dit « Le Préau » avec un portail en fer forgé dessiné par Cocteau et trois ateliers de poterie, de peinture et de dessinn 49. Les Pasqualli bâtissent leur demeure mitoyenne à celle de l’acteur.
Dès 1982, pour pallier les inutiles dépenses d’hôtellerie et restreindre son train de vie, Nini lui loue, tout en haut de la Butte Montmartre, un petit appartement au 22 rue Norvins, voisin de son ami Jean-Pierre Aumont qui réside au 4 allée des Brouillards.
Chaque année depuis 1986, il participe à la Fête de la Poterie de Vallauris en créant notamment l’affiche de l’événement. Cet hôte de prestige fait bénéficier la commune de son enthousiasme et de son talentn 50. Grasse étant la ville des parfums, il donne son nom à une marque de parfum dont il dessine le flaconnage.
Au cinéma, il connaît à cette époque des contretemps. Ainsi, il refuse le rôle d’un Jules César « un peu trop folle » à son goût (il est remplacé par Michel Serrault) dans le film de Jean Yanne : Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ et celui de l’assassin dans Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud, alors qu’il aurait souhaité tourner dans La guerre du feu. Les réalisateurs de la Nouvelle Vague le considèrent comme une icône, mais ne le font pas tourner : « Avec le recul du temps, je comprends pourquoi… J’étais devenu, aux yeux des spectateurs et des cinéastes, un acrobate professionnel qui avait fini par leur faire oublier qu’il pouvait aussi être un acteur et jouer la comédie. » Paris ne l’oublie pas tout à fait et tente de se faire pardonner en le nommant président de la « Nuit des Césars » en 1980. En 1985, Jean-Luc Godard lui propose d’interpréter le rôle de Joseph dans son film Je vous salue, Marie, mais ne donne pas suite. La même année, il siège au comité d’honneur de la Première Mondiale d’Art Tzigane qui se déroule à la Conciergerie de Paris. En 1988, Anne Delbée (avec l’appui d’Isabelle Adjani) lui propose de tenir le rôle de Rodin, mais le projet est bloqué par les héritiers de Claudel.
l est enterré dans le Vieux cimetière de Vallauris175, la ville des potiers où il a passé les dernières années de sa vie. Sa tombe176 est profanée dans la nuit du 7 au 8 janvier 2016.